Jerry YEUNG préparateur physique
Un des effets secondaires de la pratique d'une activité sportive est l'amélioration des performances dans ladite pratique (dans une certaine mesure avec un plan de progression réfléchi évidemment).
Le corps fonctionne toujours dans une optique de survie. Lui imposer un stimulus conséquent (un entraînement intense) va le forcer à s'adapter en renforçant la partie touchée par le stimulus pour mieux faire face au même stimulus à l'avenir.
Il faut cependant laisser le temps au corps d'opérer cette "surcompensation" des aptitudes car elle n'est pas instantanée. Elle se fait durant le repos (le sommeil plus spécifiquement).
Trop s'entraîner ne laisserait donc pas suffisamment de temps au corps pour d'abord récupérer mais surtout pour surcompenser le stimulus. C'est alors que les performances chutent et que l'on arrive petit à petit vers ce qu'on appelle le surentraînement.
C’est durant la récupération que l’on progresse (et non à la salle). Il faut bien la manipuler pour bénéficier de la surcompensation et éviter le surentraînement.
Je t’explique tout cela plus en détail dans cet article.
1. Récupération
1.1 La récupération en général
La récupération est le temps nécessaire au corps, après un stimulus, pour recouvrir ses capacités fonctionnelles antérieures audit stimulus.
C’est durant le sommeil que le muscle « se répare » et grossit. C’est pourquoi tu as beau avoir la meilleure diète et le meilleur entraînement, si tu ne dors pas suffisamment, tu n’auras pas les résultats escomptés !
1.2 Fatigue musculaire
La fatigue musculaire est ce que tu provoques chaque fois que tu vas à la salle. Effectuer tes séries d’exercices sollicite tes fibres musculaires qui auront généralement besoin de 24 à 72h (dans les extrêmes) pour récupérer complètement.
1.3 Fatigue nerveuse
La fatigue qui altère le potentiel d’action musculaire et qui opère à ou dans les alentours de la jonction neuromusculaire est identifiée en tant que fatigue périphérique. Cette fatigue est donc localisée au niveau du muscle (et concerne donc la section précédente).
Est considérée comme fatigue centrale, tout ce qui pourrait perturber la dépolarisation de la membrane des fibres musculaires et ainsi modifier l’intensité du signal électrique à l’origine de la contraction musculaire. Cette fatigue est localisée dans le système nerveux.
L’homéostasie est la capacité d’un système qui tend à garder l’état d’équilibre de son milieu intérieur en atténuant l’impact d’éléments perturbateurs extérieurs.
Sans rentrer dans les détails, lors de l’exécution d’un exercice, l’accumulation de fatigue périphérique, la sensation d’inconfort (voire de douleur), la perception de l’effort… contribuent à perturber l’homéostasie de plusieurs systèmes. Le système nerveux réagit en atténuant les processus de contraction musculaire qui sont à l’origine de la perturbation.
Il y a une analyse scientifique de 2017* des processus spécifiques liés à la fatigue centrale induite par un exercice physique au cas où tu voudrais creuser le sujet et que la théorie pure ne te fait pas peur.
Il y a cependant une argumentation scientifique de 2016* qui remet en question le bien-fondé du concept de fatigue centrale et de son réel impact sur les performances. Le sujet ne fait pas l’unanimité et nécessite davantage de recherches.
1.4 Fatigue articulaire
La fatigue articulaire se caractérise par la fragilisation des tissus constituant les articulations (tendons, ligaments…). Tout comme les muscles, ces derniers peuvent subir de microtraumatismes lors de l’entraînement. Cependant, ils mettent plus longtemps à se réparer que les muscles, n’étant pas/peu vascularisés.
A noter cependant que les ligaments ne sont pas tant concernés par l’usure d’une sollicitation trop intensive et fréquente, contrairement aux tendons. Les blessures aux ligaments surviennent donc généralement lors d’accidents ponctuels plutôt que de dégradation au fil des entraînements, sur le long terme.
Les articulations subissent le plus de pression lors d’exercices lourds (% proche du 1RM).
Il y a d’autres types de fatigue (systèmes cardiovasculaire, respiratoire …) mais ces derniers récupèrent plus vite que les 3 cités précédemment (retour à la normale peu après la fin de l’entraînement).
C’est donc aux 3 cités ici qu’il faut particulièrement faire attention lors de la programmation de ton entraînement.
2. Principe de surcompensation
C’est la surcompensation qui va permettre de progresser. En effet, après avoir donné le temps au corps de récupérer après un stimulus, il va ensuite « surcompenser » ce stimulus en renforçant temporairement les éléments touchés par ledit stimulus.
Dans l’exemple de la musculation, le corps va non seulement « réparer le muscle » pour qu’il soit comme avant le stimulus mais il va également aller plus loin en le renforçant davantage dans l’optique de mieux faire face au même stimulus à l’avenir.
De base, le corps humain est une machine faite pour s’adapter à son environnement et en survivre. Platement dit, donc, tes performances seront améliorées après un stimulus et une récupération adéquate.
Cependant, si un stimulus du même type que le premier n’est pas appliqué peu après la récupération, le corps se rendra compte de l’inutilité de la surcompensation et va donc « annuler » cette surcompensation.
Le corps est toujours dans cette optique de survie. Si un muscle est développé mais qu’il ne sert pas, donc n’est pas utile, le corps va se débarrasser de la masse musculaire excessive qui lui coûte trop cher à préserver en termes d’énergie.
3. Surentraînement
3.1 Concept
Le surentraînement est défini comme étant une condition physiologique altérée par un excès d’exercice physique sans récupération adéquate. C’est en tout cas la définition communément acceptée parce que la littérature scientifique n’a pas suffisamment d’éléments concluants que pour statuer sur la définition du surentraînement.
Comme pour la fatigue centrale, nous ne savons que très peu des processus qui entrent en jeu dans le surentraînement. Les études manquent.
Pour faciliter les choses (sarcasme), les symptômes sont nombreux mais non caractéristiques
(donc ces symptômes pourraient très bien être la cause d’autre chose que le surentraînement) :
Baisse de la qualité du sommeil (insomnie)
Fatigue générale accrue
Irritabilité
Perte d’appétit
Baisse des performances aux entraînements
Dépression
Baisse de motivation
Perturbation du rythme cardiaque (bradycardie/tachycardie)
Nervosité/agitation
Hypertension
Système immunitaire affaibli (tombe plus souvent malade)
…
Dans la littérature scientifique, ils distinguent cependant 3 stades successifs : le dépassement fonctionnel, le dépassement non-fonctionnel et le syndrome de surentraînement.
Si tu t’entraînes un peu trop en une fois, tu auras besoin de plus de temps pour récupérer qu’un entraînement normal. Tu es alors dans ce stade de dépassement fonctionnel. Il est fonctionnel car la surcompensation résultante sera plus grande qu’après un entraînement normal.
Le dépassement fonctionnel est parfois utilisé par les athlètes avant une compétition. Ils s’entraînent plus que d’habitude environ une semaine avant le jour-J et se repose jusqu’au-dit jour et bénéficient d’une surcompensation plus élevée que s’ils avaient continué à s’entraîner normalement.
Cette technique est cependant à manipuler avec précaution et n’est pas d’application pour Monsieur et Madame tout le monde que nous sommes.
3.2 Le surentraînement, un mythe ?
Certains disent qu’il n’existe pas de chose telle que le surentraînement, qu’il est uniquement question de « sous-récupération ». Tu pourrais donc aller aussi loin que tu veux dans la charge de travail de manière générale tant que tu manges et dors en conséquence.
Tu comprendras qu’appeler ça surentraînement ou sous-récupération ne change rien à la résultante qui sont les symptômes. Il ne faut pas prendre cela à la légère car cela peut te mettre sérieusement à mal et influencer différents domaines de ta vie.
Les sautes d’humeur et l’irritabilité vont influencer tes relations sociales, la perte de motivation et la dépression peuvent entraver ta progression à l’école ou au travail…
Même si le concept de surentraînement n’a pas encore été clairement établi scientifiquement, il est avéré que l’excès de stress induit par l’entraînement sans récupération adéquate est néfaste.
Le corps a ses limites et il serait sage d’en prendre compte. Ne force jamais l’effort, il faut toujours y aller progressivement, et surtout, à ton rythme.
4. Tout ensemble : la progression aux entraînements
Si tu veux progresser de manière générale en musculation, tu devras trouver le juste milieu entre stimulus, récupération et surcompensation pour progresser efficacement.
Ce juste milieu, personne ne peut le trouver à ta place. En effet, ta récupération dépend de ton métier, de tes hobbys, de ton alimentation, de ton sommeil, du stress quotidien …
Les programmes tout faits t’imposent un travail, un rythme et une durée de récupération qui ont peu de chance de te convenir personnellement. Il n’y a que toi qui puisses moduler tes entraînements en fonction de ton mode de vie qui t’est propre.
Dans tous mes conseils pour te créer tes propres programmes, tu diminues fortement les risques de surentraînement ou de stagnation en modulant toi-même la fréquence de sollicitation musculaire, le deload et autres.
Schématiquement parlant, il faudra donc imposer un stimulus à ton corps, attendre de récupérer et attendre la surcompensation avant de t’entraîner de nouveau.
Si tu t’entraînes de nouveau sans avoir récupéré, à terme, tu risques le « surentraînement » (avec passage successif dans les 3 phases si tu persistes dans le mauvais chemin).
Si tu mets trop de temps après la récupération avant de t’entraîner à nouveau, tu perdras les bénéfices de la surcompensation et tu seras revenu au point de départ.
Bibliographie
1*. Taylor, J. L., Amann, M., Duchateau, J., Meeusen, R., & Rice, C. L. (2016). Neural contributions to muscle fatigue: from the brain to the muscle and back again. Medicine and science in sports and exercise, 48(11), 2294.
2*. Contessa, P., Puleo, A., & De Luca, C. J. (2015). Is the notion of central fatigue based on a solid foundation?. Journal of neurophysiology, 115(2), 967-977.
* Jerry YEUNG est disponible pour animer des séminaires sur la préparation physique et la nutrition sportive. Plus de détails, prendre contact auprès de la rédaction ifbbtahiti.mag@gmail.com